Interview de Mireille Dutrievoz
Publié le 7 juillet 2023, modifié le 13 juillet 2023

INTERVIEW de Mireille Dutrievoz:

formatrice en régie lumière.

 

Son parcours

 

Est-ce que tu peux te présenter ?

Je suis Mireille, éclairagiste du spectacle. J’enseigne la technologie Lumière et la technique d’éclairage au GRIM. J’utilise aussi la conception pour une partie des élèves et la régie lumière.

 

Peux tu présenter ton métier ?

J’ai plusieurs casquettes. Mon métier, le premier et le principal, c’est la conception lumière. Je vais m’occuper de la composition, de la lumière du spectacle, essentiellement pour du théâtre et de la danse en ce qui me concerne. Et puis, je fais aussi ce qu’on appelle la régie lumière. C’est-à-dire que je vais accompagner mes spectacles au cours des tournées en France et à l’étranger, lorsqu’ils se jouent dans plusieurs lieux.

 

 

Comment as-tu été intéressé par le métier de régisseuse lumière ? 

A l’origine je suis une amoureuse des lieux. Depuis que je suis toute petite, je suis fascinée par le théâtre en tant que lieu. Le spectacle, je l’ai découvert beaucoup plus tard. Quand j’étais enfant, c’était vraiment le lieu du théâtre qui me fascinait. Et je me suis dit que j’aimerais bien faire ma vie ici. En tant qu’artiste, je n’ai jamais été très douée… J’avais très peur aussi d’être sur scène face au public et je me suis dit : « qu’est-ce que je pourrais faire pour être ici, sans être dans la lumière ? » . Maintenant, j’ai fait mon choix. Voilà.

 

 

Quelles ont été tes premières expériences dans le métier ?

J’ai travaillé dans un petit théâtre qui avait 30 places. C’était le théâtre des 30, en tant que régisseuse. J’étais encore étudiante à cette époque là, 20,21ans. Je travaillais sur les consoles lumière qui étaient manuelles et qui faisaient bien transpirer. C’est ma première expérience avec beaucoup de stress, mais aussi beaucoup d’excitation par rapport à ce travail que je découvrais.

 

As-tu une anecdote marquante sur une de tes prestations/expériences ?

Il y en a tellement. Ce sera difficile d’en choisir une qui soit plus marquante que les autres. Mais je peux peut être parler de mon premier spectacle, ma première création.

Je me suis retrouvée avec un jeune metteur en scène, c’était aussi sa première mise en scène. En revanche, il avait réussi à décrocher la participation  de l’élite, d’une partie de l’élite des comédiens lyonnais. On avait tous très peur ! Moi peut-être plus que les autres. Parce qu’on avait peur de ne pas être à la hauteur de ces gens-là qui nous fascinaient. Et en même temps, tout s’est très bien passé et je travaille toujours avec cette compagnie. Je pense qu’ils me font confiance. Mais ça a été un moment très impressionnant.

 

Quelles sont tes références dans le métier ?

J’en ai plein ! Si je devais en choisir une, je dirais Eric Sohier, l’éclairagiste et scénographe de Joël Pommerat. C’est juste extraordinaire ce qu’il fait. C’est tellement exceptionnellement bien calé sur ce qu’il se passe sur scène. Il crée des costumes pour ses spectacles. Et ça, c’est fascinant. Il y a une telle complicité avec les metteur en scène. C’est un niveau qu’on aimerait tous atteindre. Il y a un côté très artisanal dans son travail. Ca moi, j’adore.

 

 

 

 

Son lien avec le Grim 

 

Depuis quand es-tu formatrice au GRIM?  

Alors si vraiment je remonte à l’origine, j’ai commencé en 2000 par des petites interventions qui étaient sous forme de séminaires. De fil en aiguille, on m’a demandé un petit peu plus de présence pour apporter des choses aux élèves, justement en termes de conception.

Et puis, à partir de 2008, j’ai vraiment commencé à donner des cours régulièrement. Ensuite j’ai remplacé un formateur qui est partie de l’équipe et qui lui enseignait que la technologie lumière. Donc, il a fallu que je me plonge dans les connaissances parce que j’en manquait beaucoup par rapport à ça. J’ai réussi à récupérer, cet enseignement là qui est très intéressant. Je crois que c’est à partir de 2013,2014.

 

 

Et pourquoi le GRIM ?

Ah ben parce que c’était mon école ! J’ai été formé au GRIM !

Il y a une équipe administrative qui est là depuis le début et qui me fait confiance. Et ça, c’est super important. Je crois que c’est quelque chose qui est fondamental dans une école. Quand on est formateur, il faut que les gens autour de nous, aient confiance en nous, soient présents, soient sympa. Et c’est le cas ici. Et puis la deuxième chose, c’est que maintenant, au Grim Edif, on est vraiment une référence dans le monde du spectacle. La preuve, c’est qu’on s’arrache nos stagiaires. Les stagiaires n’ont aucun problème pour trouver des stages. Donc ça veut dire quelque part, qu’on est compétents. Et à la sortie de l’école, il y a une majorité de nos élèves qui trouvent du travail. Pour moi, c’est une fierté de voir que nous nous améliorons.

 

 

Comment décris-tu ton approche pédagogique en tant que formatrice ici ?

Alors j’essaye, dans la mesure du possible, d’imager énormément ce que j’explique. C’est à dire, en pratique, de faire voir les choses, de faire voir le matériel, de faire les outils, de faire voir le rendu, de faire voir la lumière. Pour que les élèves puissent vraiment mettre des images sur des mots. Ça, c’est très important.

Et puis la deuxième chose, c’est que j’essaye aussi de trouver des analogies avec le monde réel, avec des choses du quotidien, pour les aider à comprendre que parfois la technologie, c’est un peu compliqué. Il y a des gens qui n’ont pas fait forcément des formations en amont là dessus.

Je crois que j’ai une approche de ma formation qui est très terre à terre pour essayer de les aider.

 

 

As-tu des anecdotes ou des souvenirs avec tes élèves ? 

Pareil, il y en a plein . Mais je dirais que les moments forts avec mes élèves, curieusement, c’est après leur formation, une fois que je les retrouve sur un plateau en train de travailler. Parfois, les élèves que j’ai formés m’accueillent pour mon spectacle. Et ça, c’est des moments qui sont magiques. D’un seul coup, de les voir comme ça, on se dit « Wouah, s’ils sont là, c’est un petit peu grâce à moi, juste un peu… »

 

 

C’est arrivé souvent ?

Oui, c’est arrivé souvent, et puis ça arrivera encore. Donc ça, c’est chouette. Puis il y a aussi  d’anciens élèves que je croise, pas forcément sur les plateaux, mais qui m’appellent pour donner leurs nouvelles. Ça, j’adore. C’est aussi le dernier jour des formations des régisseurs en deuxième année qui viennent me voir en me disant Merci. Ça, c’est juste génial.

 

 

Comment observes tu l’évolution des élèves en matière d’éclairage au fil de leur formation ?

Elle est très hétéroclite, c’est à dire que c’est pas la même pour tout le monde, ce qui est un peu normal. Après, comment je vois leur évolution ? Le curseur pour moi c’est vraiment la confiance en soi. Qui au départ, part de 0 pour certains, voire de -10. Et puis qui au fil de l’année ou de la formation, ils prennent confiance en eux et arrivent à faire des choses qu’ils ont été incapables au début, même s’ils avaient les connaissances. Et ça, pour moi, c’est vraiment signe de progrès. C’est pas vraiment de se dire d’un seul coup « Wouah il a fait un truc incroyable. »  Non, c’est juste qu’au début, il est parti de quelque chose qui était d’une fragilité inouïe. Et il est arrivé à faire un truc qui tient la route et qui est bien.

 

Quels conseils donnerais-tu aux élèves qui aspirent à une carrière dans ce domaine ?

L’esprit d’équipe, c’est fondamental. Si on n’aime pas les autres, il ne faut pas faire ce métier.

Je reviens encore une fois là-dessus : La confiance en soi, ça c’est important. Et puis la rigueur. Il faut vraiment être rigoureux. La curiosité aussi, et surtout l’amour du spectacle. Il y a parfois des jeunes qui viennent ici en formation et qui oublient, qu’ils travaillent pour un produit artistique. J’essaie de leur rappeler régulièrement, mais ça devient tellement technologique ces métiers-là, qu’on oublie un petit peu. On a des élèves qui ont un réel amour de l’art, du monde du spectacle, beaucoup même. Quand ils disent «  j’aime cette magie-là », je dirais qu’ils sont prédestinés plus que les autres au métier de régisseur.

 

 

On peut dire que c’est un métier de passion alors ?

Oui, un métier de passion. Il faut aimer. En fait, il faut aimer être derrière les manettes.

Il y a un moment magique. Il  faut quand même que j’explique ça. Ce petit moment de pouvoir. On fait le noir salle, tout le monde est dans le noir, que ce soit public ou le plateau, et on se dit « Si je ne renvoie pas la lumière, il ne se passera rien. C’est moi qui décide. » Je trouve ça génial.

 

 

Comment vois-tu ton métier dans plusieurs années ?

Alors ça, c’est très, très vaste aussi. L’évolution de la technologie fait que nos métiers sont de plus en plus technologique et moins artisanal.

Moi, j’ai commencé l’éclairage scénique, en faisant de l’artisanat. Dans le mot artisanat, il y a le mot « art ». Et ce côté-là, il a tendance à s’effacer un peu. Que ce soit au niveau des commandes, au niveau de la production de lumière, projecteurs…

Cette technologie, en fait, elle est un peu étouffante quand on est régisseur. On gère de la technologie plus que de l’artistique sur le plateau.

Et cette évolution,  je ne veux pas dire qu’elle n’est pas intéressante, mais disons que je la vois difficile pour une personne ayant une fibre artistique et qui a envie de continuer à faire de l’artisanat avec la lumière.

On passe beaucoup de temps à la technologie et elle nous sert. Mais il y a des moments où on est presque obligé de se glisser dedans et nos métiers changent.

Le but, c’est d’arriver à s’adapter avec ces changements. Si je devais résumer la chose : L’avenir de notre métier, c’est la faculté d’adaptation qu’on aura par rapport à notre travail et à la technologie qui avance très vite.

 

 

 

 

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